Ségou : Le village artisanal lutte pour sa survie

Dans la Région de Ségou, l’artisanat est une tradition millénaire qui rythme la vie quotidienne. Et le village artisanal incarne parfaitement ce riche savoir-faire

À Ségou, le village artisanal, malgré ses nombreuses promesses, peine à attirer une clientèle suffisante pour soutenir pleinement les artisans qui y travaillent. Les visiteurs se font rares, et les artisans ressentent la nécessité d’un soutien accru pour stimuler leur activité.
Niché dans un bâtiment dont l’architecture se fond dans le décor de terre rouge des constructions traditionnelles de la ville qui rappellent l’histoire millénaire de la cité des Balazans, le village artisanal de Ségou se démarque par un charme authentique, comme un véritable carrefour de créativité.
Il est spécialement aménagé pour accueillir les artisans de la Région afin qu’ils donnent libre cours à l’expression de leurs talents divers et variés et donner vie à leur créativité.
Au milieu d’un concert de coups de marteaux des forgerons, du bourdonnement des machines à tisser et du grincement des scies des menuisiers, nous rencontrons Ousmane Fané, forgeron chevronné qui exerce son métier depuis plus de 20 ans. Installé au village artisanal depuis six ans. «Nous sommes arrivés ici avec l’espoir de trouver de nouveaux marchés et de développer nos activités mais les choses ne se passent pas comme prévu. Malgré le potentiel de ce site, les visites se font de plus en plus rares. Pourtant, nous avons des loyers à payer chaque mois. Je loue mon magasin à 10.000 FCFA et j’ai du mal à m’en acquitter de façon régulière. Je suis même endetté actuellement», nous confie-t-il, dévoilant un coin des réalités de sa vie quotidienne de forgeron.
Pour pallier ce manque de clientèle, beaucoup de forgerons ont confié se rendre dans des petits villages, lors des périodes de mariages afin de pouvoir vendre leurs créations de bijoux (bracelets, bagues et colliers). «Nous avons besoin d’un soutien supplémentaire pour faire connaître notre travail et attirer une clientèle plus large», explique un jeune forgeron.
À quelques pas de là, les tisserands manient habilement les métiers à tisser. De leurs mains agiles, ils entrelacent les fils, créant des pièces uniques. Comme eux, le village artisanal de Ségou regorge de multiples spécialités, allant des tisserands, aux les bijoutiers, en passant par les menuisiers, les couturiers… Chaque artisan, nanti d’un savoir-faire parfois familial, maîtrise son métier et l’exerce avec passion, créant des pièces qui reflètent l’identité culturelle de la région. «La qualité se trouve à Ségou, même les Burkinabè, qui sont les plus connus pour le tissage traditionnel Koba, s’intéressent à nos produits. Seulement, ils ne peuvent pas se le permettre à cause du prix», explique Sinaly Traoré, chef d’atelier de tissage au village artisanal.
Malgré leur dévouement et la qualité de leur production, la modernisation et l’essor des produits manufacturés ont eu un impact sur la demande des produits artisanaux. De plus, la baisse significative de la fréquentation des touristes, depuis la pandémie mondiale et en raison de la crise sécuritaire au Mali a privé ces artisans de leur clientèle. «Maintenant, nous produisons en fonction de la demande du marché. Auparavant, nous produisions en grande quantité, mais les choses ont changé, et nous devons nous adapter», souligne M. Traoré.
Outre la rareté de la clientèle, les tisserands du village artisanal font face à d’autres défis, notamment celui du prix des fils utilisés dans la fabrication de leurs différents types de tissus : le «Koba», le «Saran» et le «Nyaga».
Depuis la fermeture de la Compagnie malienne des textiles (Comatex), ils doivent s’approvisionner en fil au Burkina Faso. Ce qui a entraîné une augmentation des prix. «Depuis la fermeture de la Comatex, nous avons des difficultés pour nous procurer les fils nécessaires. Nous devons les acheter au Burkina Faso. Et, évidemment, le prix a augmenté. Cela rend l’approvisionnement de plus en plus compliqué», explique Fatoumata Coulibaly, une tisserande.
Malgré ces contraintes, les artisans de Ségou restent dévoués à leur métier et à la préservation de leur savoir-faire traditionnel. Ils croient en la qualité de leurs produits et veulent attirer une clientèle plus large pour soutenir leur activité.
Alors que les défis persistent pour le village artisanal de Ségou, les artisans continuent de forger leur chemin avec détermination et passion, en attendant avec impatience une nouvelle ère.

Rokia TOGOLA
Yaya BERTHÉ

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