Les pannes sexuelles : LA HANTISE DES COUPLES

R. était la deuxième épouse de son mari et voulait imposer sa loi dans le foyer conjugal. Elle se livrera à l’agression de trop

La principale difficulté dans la polygamie ? C’est certainement le respect de l’équité dans le traitement de chacune des épouses, ainsi que le préconisent les textes sacrés eux-mêmes. Placé dans la position du dispensateur des avantages et surtout de l’arbitre, le mari ne parvient pas toujours à se mettre au-dessus de la mêlée et à se montrer absolument impartial. La vox populi a elle-même consacré l’existence de préférences dans un ménage polygamique en utilisant l’expression « petite femme » pour souligner le statut particulier de la dernière épousée. Il ne faut donc pas s’étonner que dans de nombreux foyers polygamiques une tension s’installe progressivement en raison de l’inégalité de traitement.
A Kénéyadji, un secteur du quartier périphérique de Dialakorodji, au nord-est de Bamako, le couvercle a sauté dans le foyer de S. où une bataille homérique a opposé les deux épouses. L’homme chez qui l’esclandre est arrivé avait habité ce quartier pendant plusieurs années avant de s’établir momentanément à Quinzambougou. Mais ce fut dans sa zone d’origine qu’il rencontra une jeune femme du nom de L. avec laquelle il entama une liaison amoureuse paisible et profonde. Les témoins de l’époque racontent que les deux jeunes gens étaient devenus un moment donné proprement inséparables. Aussi personne ne fut surpris lorsque S. décida de légaliser cette relation en demandant la main de sa dulcinée.
Le mariage se fit très vite et avec un certain faste. Les époux allèrent s’installer à Quinzambougou où le couple se tailla très vite une réputation flatteuse dans le voisinage. Tous louaient la parfaite entente qui paraissait régner en son sein. Mais le cœur d’un homme est impénétrable. Alors qu’il donnait l’impression de filer le parfait bonheur avec L., le jeune homme fit part à son épouse de son désir de lui donner une petite sœur, autrement dit de prendre une seconde épouse. Rien ne s’opposait à ce qu’il le fasse, le couple s’étant uni sous le régime polygamique. L. accueillit sans plaisir l’annonce de son époux, mais elle fit contre mauvaise fortune bon cœur.
ENVAHISSANTE ETACCAPAREUSE. Pour ses secondes noces, S. avait porté son choix sur une jeune fille du quartier de Dialakorodji où L. et lui étaient revenus s’établir. La nouvelle élue s’appelait R. et, comme on peut s’y attendre, elle était moins âgée que la première épouse. Mais elle avait une autre particularité : elle avait été à l’école, même si son parcours s’était arrêté à la fondamentale. Ce niveau d’instruction, si modeste qu’il soit, la différenciait de L. et de S. En effet, aucun de ceux-ci n’avait mis le pied dans une classe.
L’esprit des femmes étant aussi impénétrable que celui des hommes, la nouvelle mariée estima que son niveau d’instruction lui donnait un avantage particulier dans son nouveau foyer. Elle décida donc d’imposer sa prétendue supériorité. Elle fit en sorte que toutes les décisions de l’époux, concernant la maison, passent par son consentement. Elle estimait avec un brin d’orgueil que son statut de lettrée lui permettait de juger avec plus de perspicacité les problèmes qui se présentaient au foyer.
Au tout début, la première femme de S. ne fit pas trop attention au comportement de sa coépouse. Mais R. devint tellement envahissante et tellement accapareuse que L. jugea qu’elle ne pouvait plus rester sans réagir. La première épouse commença donc à se faire entendre elle aussi. Lorsqu’une recommandation de sa « petite sœur » l’agaçait, elle se renfrognait de manière ostentatoire et n’hésitait pas à faire certaines remarques à sa coépouse. Mais cette méthode, assez modérée, ne changea rien au comportement de R. Cette dernière dédaignait les suggestions de « l’illettrée » et continuait à faire accepter son point de vue par son époux.
Chagrinée par la passivité de S., la première épouse comprenait mal que cette jeune fille tout récemment installée est mariée puisse s’imposer ainsi dans la maison de leur mari commun. Elle décida donc de durcir son attitude. A partir de ce moment, les deux femmes multiplièrent les échanges de remarques aigres-douces. Elles avaient aussi des accrochages que S. parvenait à arbitrer. Mais bientôt la situation échappa au contrôle du maitre de maison. Les disputes étaient désormais quotidiennes et les affrontements devenaient de plus en plus violents. En outre, ils se déclenchaient pour un rien. Devant la dégradation de la situation, S. choisit la voie la plus facile. Au lieu de s’asseoir avec les deux dames pour vider l’abcès, il appela L. et l’accusa d’être jalouse de la nouvelle mariée. Comme cela était prévisible, la maladresse de l’époux fit encore monter la tension entre les deux femmes.
TRISTEMENT MÉMORABLE. Certains voisins de bonne volonté se déplacèrent pour voir le chef de famille. Ils lui donnèrent un conseil peut-être discutable, mais de bon sens. Ils lui dirent de se mettre à l’écart lorsqu’il se trouvait dans l’impossibilité de trancher entre ses deux épouses. Mais ces mêmes voisins ne cachèrent pas qu’ils avaient un avis sur la question. Pour eux, l’essentiel des torts incombait à la seconde femme de S. Cette dernière, assurèrent les voisins, était à la base de toutes les querelles qui éclataient dans la famille. L’homme prit la peine d’observer R. et de vérifier le jugement des voisins. Il se rendit compte que ses visiteurs avaient totalement raison en ce qui concernait le tempérament belliqueux de son épouse. Il appela donc R. pour un tête-à-tête au cours duquel il demanda à la jeune femme de se montrer plus raisonnable afin que cessent définitivement les petites querelles entre elle et sa « grande sœur ».
Suivant les conseils d’un de ses voisins, S. s’investit dans le retour au calme au sein de son foyer. Il passait beaucoup de temps avec ses épouses, répartissait de manière impartiale son attention entre elles. Quelques semaines passèrent et tout semblait être rentré dans l’ordre au foyer de S. Mais, comme le dit un proverbe slave, c’est sous l’eau la plus calme que s’ébattent les pires démons. Brusquement, les disputes reprirent au grand désarroi du chef de famille. Un soir, la prise de bec se déclencha en présence du mari lui-même. L’homme n’a pas pu calmer les protagonistes malgré ses menaces. Les deux dames criaient à gorge déployée et se lançaient des injures grossières qui résonnaient dans un rayon de plusieurs dizaines de mètres autour de la maison. Alertés, certains voisins se dévouèrent pour pacifier la situation. Mais ils ne purent calmer les deux dames. Chacune des deux voulait dire tout ce qu’elle avait sur le cœur et chacune tenait à exprimer tout le mal qu’elle pensait de l’autre. L. et R. passèrent donc la nuit à s’attaquer sans prêter la moindre attention aux mises en garde de leur époux.
Une dizaine de jours s’écoulèrent après cette nuit tristement mémorable. Les deux dames se surveillaient, mais sans reprendre les hostilités. Puis l’explosion se produisit au beau milieu d’une matinée. Tout vint de la seconde épouse. Celle-ci n’avait visiblement digéré les insultes grossières que sa « grande sœur » lui avait balancées auparavant. Elle se lança dans des va et vient ininterrompus dans la cour de la concession en marmonnant. Mais de temps en temps, elle élevait la voix pour lancer une insulte qu’elle destinait à son aînée. L., tranquillement assise devant la porte d’entrée de sa chambre, se gardait bien de réagir aux provocations de sa « jeune sœur ». Elle faisait semblant d’être complètement absorbée par la préparation du repas du jour.
ACCABLÉE PAR SES PROCHES. Ce fut cette indifférence ostentatoire de son « adversaire » qui fit sortir R. de ses gonds. Elle se dirigea vers un coin de la cour pour s’emparer d’une bouilloire remplie d’eau chaude. Puis elle revint à grandes enjambées vers sa coépouse. Sans donner à cette dernière le temps de comprendre ses intentions, elle lui versa dessus le contenu de son récipient. L. poussa un hurlement sous l’effet de la douleur. Heureusement pour elle, l’eau était très chaude, mais pas bouillante au point de lui causer de très graves lésions. Une fois qu’elle eut repris ses esprits, L. déclencha une riposte foudroyante et complètement inattendue pour son vis-à-vis. Elle s’empara du grand couteau avec lequel elle était en train de couper ses légumes en morceaux, coinça le cou de la provocatrice sous son avant-bras et traîna celle-ci derrière elle sur plusieurs mètres tout en lui portant de violents coups de poing au visage avec sa main libre. Puis juste au moment où elle relâcha sa prisonnière, L. d’un geste vif lui trancha une oreille avec son couteau.
Ce fut au tour de R. d’éprouver une douleur aussi violente qu’inattendue. La jeune femme hurla de toutes ses forces appelant les voisins à l’aide. Mais plusieurs minutes passèrent sans que personne ne se présente pour séparer les deux femmes. Le voisinage était en effet las de la guérilla ininterrompue qui se livrait dans la concession de S. et surtout de l’indifférence de la jeune fille face aux différentes tentatives de médiation. Le mari qui se trouvait au travail fut informé de ce qui passait dans sa famille. Il rallia en toute hâte son domicile et constata les dégâts. La réaction du mari surprit l’assistance. Au lieu de s’inquiéter à propos de la blessure de R qui avait été amputée d’une oreille, il piqua une violente colère et apostropha durement la jeune femme.
« Je ferai tout pour te soigner, lui lança-t-il, parce que tu es mon épouse légale. Mais si tu avais été une autre personne, j’aurais dit sans la moindre hésitation que tu mérites ce qui t’est arrivé ». Quelques instant après, la jeune fille a été amenée au centre de santé communautaire du secteur. Les médecins ne lui donneront aucun espoir de voir son oreille replacée comme auparavant. R. fut encore plus accablée lorsque ses proches l’ont accablée, l’accusant d’être la cause de son propre malheur. La malheureuse envisage à présent de saisir la justice pour se faire entendre. Mais en attendant qu’elle ne termine avec la procédure judiciaire, R. se fait remarquer sur deux points. Primo, elle laisse désormais L. absolument tranquille. Deuxio, elle ne sort plus sans se couvrir la tête d’un voile pour dissimuler la partie amputée.
Mamoudou KANAMBAYE

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