Kampala, Ouganda, le 10 avril 2025 (CEA) – Un évènement parallèle à la onzième session du Forum régional africain pour le développement durable (ARFSD) a réuni des décideurs politiques, des économistes et des experts du développement afin d’aborder les défis et les opportunités majeurs auxquels est confrontée la main-d’œuvre africaine dans le contexte du changement climatique.
Organisé par la Division des politiques macroéconomiques, du financement et de la gouvernance de la Commission économique pour l’Afrique (CEA), cet évènement s’est concentré sur les conclusions du Rapport économique sur l’Afrique 2023 et 2024, soulignant l’urgence de mettre en place des interventions stratégiques pour assurer une transition juste et durable du marché du travail du continent.
Au cours de sa présentation, la Chargée des affaires économiques, Mme Nadia Ouédraogo, a déclaré que l’emploi informel, qui représente 83 % de l’emploi total en Afrique en 2024, se concentre dans l’agriculture, la construction et les services. Ces secteurs sont très sensibles aux stress climatiques et aux chocs saisonniers. Les femmes et les jeunes sont particulièrement vulnérables aux pertes d’emploi et aux baisses de revenus.
La Directrice de la Division des politiques macroéconomiques, du financement et de la gouvernance, Mme Zuzana Schwidrowski, qui a animé la session, a souligné que les chocs induits par le changement climatique freinent la croissance, épuisent les réserves budgétaires et déstabilisent les systèmes financiers, tout en détruisant des vies et des moyens de subsistance. Parallèlement, cette tendance majeure crée de nouvelles opportunités de croissance, d’innovation et de transformation structurelle que l’Afrique doit saisir.
Le Commissaire adjoint au Ministère des finances, de la planification et du développement économique de l’Ouganda, M. Sam Mugume Koojo, a exhorté les décideurs politiques, les dirigeants du secteur privé et les partenaires de développement à donner la priorité à l’action climatique et à investir dans une transition juste et durable, créatrice d’emplois décents et porteuse d’une croissance inclusive et durable. Il a insisté sur l’importance de la cocréation, de la collaboration et du partage des connaissances pour relever les défis complexes auxquels est confrontée la main-d’œuvre africaine.
« Les effets tangibles du changement climatique – la hausse des températures, les phénomènes météorologiques extrêmes et la dégradation de l’environnement – fragilisent déjà la sécurité de l’emploi, forcent les communautés à se relocaliser et creusent le fossé entre les riches et les pauvres », a déclaré l’Économiste principal au Bureau régional de l’OIT pour l’Afrique, M. Andrew Mundalo Allieu. Il a souligné l’ampleur mondiale de cette crise, notant que 1,2 milliard de travailleurs dont les moyens de subsistance dépendent de l’environnement naturel sont menacés. Plus précisément, le stress thermique, comme le montre une étude de l’OIT, entraîne une perte de 2,3 % des heures de travail, un chiffre qui devrait atteindre 14 millions d’emplois perdus d’ici 2030.
L’Économiste principal du climat à la Banque mondiale et CoDirecteur du C3A, M. Étienne Espagne, a souligné qu’une coordination régionale stratégique est essentielle pour développer des emplois hautement qualifiés et résilients au changement climatique. Alors que le changement climatique perturbe les rendements et redéfinit la valeur des matières premières, aligner les chaînes d’approvisionnement sur les atouts régionaux peut réduire les risques et favoriser une prospérité partagée. Bien que les coûts des énergies renouvelables soient en baisse, l’incertitude demeure un défi. Des investissements précoces et des actions coordonnées sont essentiels pour garantir des emplois verts résilients et inclusifs.
Pour la PDG de la Fondation Sterling One, Mme Olapeju Ibekwe, « Les partenariats public-privé sont essentiels pour mobiliser les investissements et favoriser l’innovation dans les secteurs verts, tandis que les approches inclusives en matière de genre sont essentielles pour garantir que les femmes bénéficient équitablement de la transition verte en participant à la prise de décision et en accédant au développement des compétences ».
Les pertes économiques et la nécessité d’une transition vers des économies plus vertes
Les intervenants ont souligné les effets en cascade du changement climatique, notant qu’une augmentation de la température de 1 % pourrait entraîner une perte de PIB de 2,2 % en Afrique d’ici 2030, l’Afrique de l’Ouest étant la région la plus touchée. Ils ont également souligné que le changement climatique exacerbe les conflits et les déplacements, ce qui exerce une pression supplémentaire sur des marchés du travail déjà fragiles.
La transition vers des économies plus vertes et plus durables entraînera des pertes d’emplois dans le secteur des combustibles fossiles, notamment en Afrique de l’Ouest et du centre. Les inégalités risquent de s’aggraver si des politiques ciblées ne sont pas mises en œuvre pour garantir une répartition équitable des bénéfices.
Cependant, la transition vers une économie verte offre également d’importantes opportunités de création d’emplois, notamment dans les énergies renouvelables, l’agriculture durable et le marché du carbone. À lui seul, le marché du carbone pourrait soutenir jusqu’à 400 millions d’emplois d’ici 2050.
Pour assurer une transition juste et atténuer les effets néfastes du changement climatique, les intervenants ont mis en avant des stratégies essentielles, notamment : investir dans des initiatives de requalification et de perfectionnement adaptées aux jeunes et aux travailleurs du secteur informel ; favoriser des financements innovants pour soutenir les projets verts ; et renforcer les systèmes de protection sociale afin de fournir des filets de sécurité essentiels aux communautés vulnérables.
Leave a Reply